Clause de déchéance pour fausse déclaration : la Cour de cassation encadre strictement les pratiques des assureurs

La liberté contractuelle des assureurs remise en question

Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte d’importantes précisions sur les clauses de déchéance pour fausse déclaration dans les contrats d’assurance. Cette décision vient encadrer plus strictement la liberté contractuelle des assureurs et renforcer la protection des assurés.

En l’espèce, un assuré avait souscrit un contrat d’assurance automobile garantissant notamment le vol et l’incendie. Suite à l’incendie de son véhicule, il avait déposé plainte et déclaré le sinistre à son assureur. Ce dernier avait refusé sa garantie en invoquant plusieurs inexactitudes dans la déclaration du sinistre.

La cour d’appel avait donné raison à l’assureur, estimant qu’il était fondé à opposer une déchéance de garantie sur la base d’une clause des conditions générales prévoyant que « toute fausse déclaration sur la nature, les causes, les circonstances ainsi que les conséquences du sinistre » privait l’assuré de tout droit à garantie.

La nécessité de prouver la mauvaise foi de l’assuré

La Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que pour opposer une déchéance de garantie, l’assureur doit démontrer la mauvaise foi de l’assuré ou son intention frauduleuse. Une simple inexactitude ou erreur dans la déclaration ne suffit pas.

Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à protéger les assurés contre des clauses de déchéance trop larges. La Cour affirme ainsi que :

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  • La bonne foi de l’assuré est présumée
  • La charge de la preuve de la mauvaise foi incombe à l’assureur
  • Cette preuve peut être apportée par tout moyen

En pratique, cette exigence rend plus difficile pour les assureurs l’application des clauses de déchéance, qui constituent une sanction sévère pour l’assuré.

L’alignement des régimes de fausses déclarations

Par cette décision, la Cour de cassation semble vouloir aligner le régime des fausses déclarations lors du sinistre sur celui des fausses déclarations lors de la souscription du contrat.

En effet, l’article L.113-8 du Code des assurances prévoit que la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle du risque ne peut être prononcée que si l’assureur démontre la mauvaise foi de l’assuré.

La Haute juridiction étend donc cette exigence aux déclarations faites lors du sinistre, limitant ainsi la liberté contractuelle des assureurs dans la rédaction des clauses de déchéance.

Les conséquences pour la pratique assurantielle

Cette jurisprudence a plusieurs implications importantes :

  • Les assureurs devront revoir la rédaction de leurs clauses de déchéance
  • Ils devront être plus vigilants dans la constitution de leurs dossiers en cas de suspicion de fraude
  • Les juges du fond devront motiver plus précisément leurs décisions en cas de déchéance

Pour les assurés, cette décision renforce leur protection contre des sanctions disproportionnées. Elle rappelle toutefois l’importance de la bonne foi dans leurs relations avec leur assureur.

Les enjeux du contentieux de l’assurance

Au-delà de cette espèce, l’arrêt illustre les enjeux du contentieux en matière d’assurance :

  • La recherche d’un équilibre entre les intérêts des assureurs et ceux des assurés
  • La lutte contre la fraude sans pénaliser les assurés de bonne foi
  • L’encadrement du pouvoir de sanction des assureurs
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Il témoigne du rôle essentiel de la Cour de cassation dans l’interprétation du droit des assurances et l’harmonisation des pratiques.

Vers une réforme législative ?

Cette décision pourrait relancer le débat sur la nécessité d’une intervention du législateur pour clarifier le régime des sanctions en cas de fausse déclaration dans le domaine de l’assurance.

Certains appellent à une réforme qui :

  • Unifierait les régimes de fausse déclaration initiale et en cours de contrat
  • Préciserait les critères de la mauvaise foi
  • Encadrerait plus strictement les clauses de déchéance

En attendant une éventuelle évolution législative, cette jurisprudence devra être prise en compte par l’ensemble des acteurs du secteur de l’assurance.

Cet arrêt de la Cour de cassation marque une étape importante dans l’encadrement des pratiques des assureurs en matière de clauses de déchéance. Il réaffirme la nécessité de protéger les droits des assurés tout en préservant les intérêts légitimes des compagnies d’assurance. Son impact sur le contentieux de l’assurance et les pratiques du secteur sera à suivre attentivement dans les prochaines années.