Le centre hospitalier régional, un établissement public administratif doté d’une autonomie décisionnelle
Le Centre hospitalier régional (CHR) de Besançon, comme tout établissement public de santé, est un établissement public administratif (EPA) chargé d’une mission de service public administratif (SPA). À ce titre, il dispose d’une certaine autonomie dans l’organisation de ses services, notamment par l’adoption d’actes administratifs. Cette autonomie s’inscrit dans le cadre plus large de la gestion des services publics administratifs.
Les EPA comme les CHR bénéficient d’une personnalité morale distincte de celle de l’État, ce qui leur confère une capacité juridique propre. Ils peuvent ainsi prendre des décisions relatives à leur fonctionnement interne, comme la création ou la réorganisation de services médicaux. Cette autonomie est essentielle pour permettre une gestion adaptée aux besoins locaux en matière de santé publique.
Le contrôle préfectoral sur les décisions des centres hospitaliers : entre tutelle et légalité
Malgré cette autonomie, les décisions des CHR restent soumises à un contrôle de l’État, exercé par le préfet en tant que représentant local du pouvoir central. Ce contrôle a connu une évolution significative au fil du temps :
- Avant 1982 : le préfet exerçait un contrôle de tutelle, pouvant porter sur l’opportunité des décisions
- Après 1982 : la loi de décentralisation a restreint ce contrôle à un simple contrôle de légalité
Dans l’affaire du CHR de Besançon, jugée en 1982, le Conseil d’État a validé le pouvoir du préfet de s’opposer à une décision du centre hospitalier pour des motifs d’opportunité. Cette position s’inscrivait dans le cadre juridique de l’époque, antérieur aux lois de décentralisation.
L’arrêt du Conseil d’État de 1982 : une décision charnière
Le 9 juin 1982, le Conseil d’État a rendu un arrêt majeur concernant le CHR de Besançon. L’affaire portait sur la décision du conseil d’administration de l’hôpital de créer six lits de chirurgie thoracique dans le service de chirurgie infantile. Le préfet du Doubs s’était opposé à cette décision, estimant qu’elle était contraire à l’intérêt du service hospitalier.
Le Conseil d’État a confirmé la légalité de l’intervention du préfet, considérant que celui-ci avait exercé son pouvoir de tutelle conformément au droit en vigueur. Cette décision a mis en lumière l’étendue du contrôle préfectoral sur les actes des établissements publics de santé à cette époque.
Les implications de l’arrêt sur l’organisation des services hospitaliers
L’arrêt du Conseil d’État a eu des répercussions importantes sur la compréhension de l’organisation des services publics hospitaliers :
- Confirmation du caractère réglementaire des délibérations d’organisation du service
- Absence de droits acquis dans les décisions réglementaires d’organisation d’un service public administratif
- Reconnaissance du pouvoir de l’autorité de tutelle de s’opposer à des décisions pour des motifs d’intérêt général
Cette jurisprudence a souligné la nécessité d’un équilibre entre l’autonomie des établissements de santé et le contrôle exercé par l’État pour garantir la cohérence et l’efficacité du système de santé public.
L’évolution du contrôle préfectoral après les lois de décentralisation
L’arrêt de 1982 s’inscrivait dans un contexte juridique qui allait bientôt connaître des changements majeurs. Les lois de décentralisation, notamment la loi du 2 mars 1982 dite loi Defferre, ont profondément modifié les relations entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que le statut des établissements publics locaux.
Ces réformes ont entraîné une évolution significative du contrôle préfectoral :
- Suppression de la tutelle a priori sur les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
- Instauration d’un contrôle de légalité a posteriori
- Limitation du pouvoir d’annulation des actes administratifs au seul juge administratif
Ces changements ont renforcé l’autonomie des établissements publics de santé tout en maintenant un cadre de contrôle visant à garantir le respect de la légalité et la cohérence des politiques de santé publique.
L’héritage de l’arrêt CHR de Besançon dans le droit administratif contemporain
Bien que le contexte juridique ait évolué depuis 1982, l’arrêt du Conseil d’État concernant le CHR de Besançon reste une référence importante dans le droit administratif français. Il continue d’éclairer la compréhension des relations entre les établissements publics et leurs autorités de contrôle.
Les principes dégagés par cette décision, notamment en matière d’organisation interne des services publics administratifs, conservent leur pertinence. Ils sont régulièrement invoqués dans des contentieux relatifs à la gestion des établissements publics, y compris dans le domaine de la santé.
L’arrêt CHR de Besançon demeure ainsi un jalon important dans l’évolution du droit administratif français, illustrant la recherche constante d’un équilibre entre autonomie de gestion et contrôle étatique dans le fonctionnement des services publics.
Cette décision du Conseil d’État de 1982 concernant le Centre hospitalier régional de Besançon a marqué un tournant dans la compréhension du pouvoir décisionnel des établissements publics de santé et du contrôle exercé par l’État. Elle a mis en lumière la complexité des relations entre autonomie locale et supervision étatique dans le domaine de la santé publique, ouvrant la voie à des réflexions qui restent d’actualité dans la gestion moderne des services publics hospitaliers.