Les obligations légales des entreprises en matière de formation professionnelle

La formation professionnelle représente un enjeu majeur pour les entreprises françaises, soumises à un cadre réglementaire strict en la matière. Face aux évolutions rapides du marché du travail, les employeurs doivent s’adapter et permettre à leurs salariés de développer leurs compétences tout au long de leur carrière. Cet impératif se traduit par des obligations légales précises, dont le non-respect peut entraîner des sanctions. Examinons en détail ces obligations et leurs implications concrètes pour les entreprises.

Le cadre juridique de la formation professionnelle en France

Le système français de formation professionnelle repose sur un ensemble de textes législatifs et réglementaires qui ont évolué au fil des années. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel constitue le socle actuel de ce dispositif. Elle redéfinit les obligations des employeurs et renforce le rôle des salariés dans leur parcours de formation.

Les principaux textes encadrant la formation professionnelle sont :

  • Le Code du travail, notamment ses articles L.6312-1 et suivants
  • La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
  • Les décrets d’application de cette loi
  • Les accords nationaux interprofessionnels (ANI) sur la formation professionnelle

Ce cadre juridique définit les obligations des entreprises en matière de formation, les droits des salariés, ainsi que les modalités de financement et de mise en œuvre des actions de formation. Il vise à garantir l’accès de tous les travailleurs à la formation tout au long de leur vie professionnelle.

L’obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail

L’une des principales obligations des employeurs en matière de formation professionnelle est d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Cette obligation découle de l’article L.6321-1 du Code du travail, qui stipule que l’employeur doit veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.

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Concrètement, cela signifie que l’entreprise doit :

  • Identifier les besoins en compétences liés aux évolutions des postes
  • Proposer des formations adaptées aux salariés
  • Mettre à jour régulièrement les connaissances et savoir-faire des employés

Cette obligation s’applique à tous les salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique ou leur ancienneté. Elle concerne aussi bien les compétences techniques que les compétences transversales nécessaires à l’exercice du métier.

L’employeur qui manquerait à cette obligation pourrait être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’il venait à se séparer d’un salarié dont les compétences seraient devenues obsolètes faute de formation.

Exemples d’actions d’adaptation

Les actions d’adaptation peuvent prendre diverses formes :

  • Formation à l’utilisation d’un nouveau logiciel
  • Mise à jour des connaissances réglementaires
  • Apprentissage de nouvelles techniques de production
  • Développement des compétences managériales

Ces formations doivent être réalisées sur le temps de travail et rémunérées comme tel. Elles sont à la charge financière de l’employeur.

Le plan de développement des compétences

Au-delà de l’obligation d’adaptation, les entreprises doivent élaborer un plan de développement des compétences. Ce plan remplace depuis 2019 l’ancien plan de formation. Il regroupe l’ensemble des actions de formation, de bilan de compétences et de validation des acquis de l’expérience (VAE) prévues par l’employeur pour ses salariés.

Le plan de développement des compétences distingue deux types d’actions :

  • Les actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi
  • Les actions de développement des compétences

Les premières sont obligatoires et doivent être réalisées sur le temps de travail. Les secondes peuvent, sous certaines conditions, être suivies hors temps de travail, dans la limite de 30 heures par an et par salarié.

L’élaboration du plan de développement des compétences doit tenir compte :

  • Des objectifs stratégiques de l’entreprise
  • Des besoins individuels des salariés
  • Des évolutions prévisibles des métiers et des technologies
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Le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur le plan de développement des compétences dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Financement du plan de développement des compétences

Depuis la réforme de 2018, le financement du plan de développement des compétences repose principalement sur les fonds propres de l’entreprise. Les OPCO (opérateurs de compétences) peuvent toutefois apporter un soutien financier, en particulier pour les PME de moins de 50 salariés.

L’entretien professionnel : un outil clé de la formation

L’entretien professionnel constitue un élément central du dispositif de formation professionnelle. Instauré par la loi du 5 mars 2014, il est obligatoire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Cet entretien doit être organisé tous les deux ans pour chaque salarié. Il a pour objectif d’examiner les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui peuvent y contribuer.

Lors de l’entretien professionnel, l’employeur doit :

  • Informer le salarié sur ses droits en matière de formation
  • Évoquer les possibilités d’évolution au sein de l’entreprise
  • Identifier les besoins en formation du salarié
  • Proposer des actions de formation, de bilan de compétences ou de VAE

Tous les six ans, l’entretien professionnel doit faire l’objet d’un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. À cette occasion, l’employeur doit vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années :

  • D’au moins une action de formation
  • D’une progression salariale ou professionnelle
  • D’une certification ou d’éléments de certification par la formation ou par une VAE

Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions financières pour l’entreprise, notamment l’obligation d’abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié.

La contribution à la formation professionnelle

Toutes les entreprises sont tenues de participer au financement de la formation professionnelle à travers une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA). Cette contribution remplace depuis 2019 les anciennes taxes d’apprentissage et contribution à la formation professionnelle.

Le montant de la contribution varie selon la taille de l’entreprise :

  • 0,55% de la masse salariale brute pour les entreprises de moins de 11 salariés
  • 1% pour les entreprises de 11 salariés et plus
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Cette contribution est collectée par les URSSAF et reversée à France compétences, l’institution nationale chargée de la régulation et du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

En plus de cette contribution obligatoire, les entreprises peuvent verser des contributions volontaires supplémentaires à leur OPCO pour bénéficier de services et de financements complémentaires.

Cas particulier des entreprises de 50 salariés et plus

Les entreprises de 50 salariés et plus sont soumises à une obligation supplémentaire : elles doivent s’assurer que chaque salarié bénéficie d’une formation non obligatoire tous les six ans. À défaut, elles doivent verser une pénalité correspondant à l’abondement du CPF du salarié à hauteur de 3000 euros.

Les enjeux futurs de la formation professionnelle en entreprise

Face aux mutations rapides du monde du travail, la formation professionnelle devient un enjeu stratégique pour les entreprises. Plusieurs tendances se dessinent pour l’avenir :

La digitalisation de la formation s’accélère, avec le développement des MOOC, des serious games et de la réalité virtuelle. Ces outils permettent une formation plus flexible et personnalisée.

L’individualisation des parcours de formation devient la norme, avec des dispositifs comme le CPF qui donnent plus d’autonomie aux salariés dans le choix de leurs formations.

La formation en situation de travail (FEST) gagne du terrain, permettant une meilleure articulation entre théorie et pratique.

Les soft skills (compétences comportementales) prennent une importance croissante dans les programmes de formation, en complément des compétences techniques.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) s’impose comme un outil indispensable pour anticiper les besoins en formation et adapter les compétences aux évolutions du marché.

Face à ces évolutions, les entreprises devront adapter leur stratégie de formation pour rester compétitives et attractives. Cela implique de :

  • Repenser la formation comme un investissement stratégique
  • Développer une culture de l’apprentissage continu
  • Impliquer davantage les managers dans le développement des compétences de leurs équipes
  • Mettre en place des outils de mesure de l’efficacité des formations

En définitive, la formation professionnelle ne doit plus être perçue comme une simple obligation légale, mais comme un levier de performance et d’innovation pour l’entreprise. Les organisations qui sauront tirer parti de ces évolutions pour développer les compétences de leurs collaborateurs seront les mieux armées pour relever les défis de demain.